Gabriel Tarde
« L’opposition est une espèce singulière de répétition, celle de deux choses semblables qui sont propres à s’entre-détruire en vertu de leur similitude même…
Toute opposition vraie implique donc un rapport entre deux forces, deux tendances, deux directions…»
Les lois sociales
Opposition des phénomènes-Chap.II p.70-71
Gabriel Tarde
Gabriel Tarde
(1843 – 1904)
Par ses deux livres majeurs « Les lois de l’imitation » (1890) et « L’opposition universelle » (1897), Gabriel Tarde épouse la doctrine du dualisme moderne, à savoir que tout n’est que répétition et inversion. La nature ne sait faire que cela, l’inversion étant une forme de symétrie. L’évolution n’est que la traduction de fautes commises lors de la réalisation de ces deux modes principaux de fonctionnement fondamentaux du monde.
Dans son livre sur les lois de l’imitation Gabriel Tarde se base sur le principe que les faits sociaux ne sont pas des choses mais des liens qui se forment entre les individus. La structure est plus importante que ce qu’elle relie. Or le propre des individus c’est d’imiter, de copier. C’est une tendance à la facilité, à la paresse et découle du principe de moindre action prévalant dans l’univers. Il peut y avoir des individus agissant en faisant le contraire de ce qu’ils observent. Ceci est comparable au fait que les êtres vivants sont créés à contre-courant de l’expansion qui ne cherche qu’à détruire pour se diluer dans le néant. Quand on pratique une langue, une religion, on ne fait qu’imiter les autres.
Gabriel Tarde affirme que la répétition universelle est la grande loi qui régit le monde. Nous y ajoutons que ceci est la conséquence de la tendance au moindre effort qui nous conduit à l’unification, à l’éparpillement. La science se borne à observer et à quantifier des similitudes.
L’homme social (imitateur par essence) ne serait qu’un véritable somnambule, un hypnotisé soumis, suivant Gustave Le Bon. Un des instruments de cette hypnotisation des foules est l’écran de télévision ou de l’ordinateur qui nous transporte dans un monde fictif, loin de la réalité, constitué par des moutons manipulés.
L’imitation est une forme de reproduction à l’identique qui ne peut conduire qu’à l’indifférencié. Le progrès n’est dû qu’à ceux qui innovent en refusant la grégarité stérile et ne se laissent pas entraîner par le courant expansionniste en luttant contre lui, en pratiquant la contre imitation. La vie en général caractérise ce qui s’organise pour ne pas être détruit, une sorte de réaction contre l’anéantissement.
Dans son livre « L’opposition universelle ou essai de théorie des contraires » Gabriel Tarde (Alcan 1897) définit ainsi, p. 22, l’opposition : «quand deux termes variables sont tels que l’on ne peut être conçu comme devenant l’autre qu’à la condition de parcourir une série de variations qui aboutissent à un état zéro, et de remonter ensuite cette même série de variations précédemment descendue, ces deux termes sont opposés. »
Ce livre est une étude approfondie des contraires. L’importance qui est donnée par l’auteur à ce concept démontre la thèse du dualisme. La nature pratique l’autosimilarité avec des défauts de reproduction. La ressemblance peut se faire soit par imitation pure et simple soit en inversant par l’aspect contraire.
Gabriel Tarde avait fort bien vu que le monde fonctionne avant tout par la répétition à l’identique qu’est l’imitation et son renversement qui permet de différencier par les contraires. La simplicité de ce système est bien motivée par la nécessité d’une moindre dépense d’énergie. La nature n’est inventive que par la profusion des combinaisons, toutes basées sur le même et l’autre.
Intéressé par le sujet ?
Voir aussi le livre III La Mêmeté