L’acmé
L’acmé, c’est le point du plus haut développement. Ce mot vient du grec « akmé » qui signifie apogée. Tout ce qui évolue passe par un point culminant, un sommet, une pleine prospérité. Par exemple entre la naissance et la mort, il y a pour l’homme un acmé où il est en pleine possession de ses moyens. Cela se situe en général entre vingt-cinq et trente-cinq ans. C’est valable pour un grand sportif, un savant pour qui c’est une période propice à de grandes découvertes. C’est à cet âge que, par exemple, Newton et Einstein ont donné l’essentiel de leurs travaux. Ensuite, cela va progressivement vers l’extinction. La vie a une sorte d’amplitude comme une sinusoïde. Elle va vers un maximum pour ensuite décliner. Ce déclin est défini en grec par le mot « parakmé » qui n’a pas été repris en français. Tous les empires, sans restriction, ont une période fastueuse puis dégénèrent et tombent en déliquescence. Il y a une sorte de compensation. C’est sans doute une loi de la nature qui refuse le nivellement. Il y a constamment une recherche d’équilibre, à l’apogée succède le périgée.
On retrouve ce phénomène d’alternance de pleins et de creux dans le domaine des probabilités. Il y a peu de personnes très riches pour beaucoup d’autres très pauvres. La qualité est compensée par la quantité. En fait il y a une masse monétaire qui reste constante sauf émission de billets de banque. Cette masse n’est pas équitablement répartie tout en cherchant à s’équilibrer, en donnant aux riches pour léser les pauvres. Si tous les hommes étaient dotés d’une fortune égale, il n’y aurait pas d’émulation, pas de nécessité de faire mieux, pas de motivation pour améliorer son sort préréglé à l’avance. Il faut des riches pour investir, construire des châteaux, réaliser des musées d’art et autres choses qui ne sont pas accessibles au vulgum pecus.
La concurrence sur laquelle est fondé le libéralisme nécessite des disparités. Elle est indispensable pour avoir de meilleures conditions d’achat. La très belle idée du communisme n’a hélas, jamais fonctionné et au contraire, elle a engendré des dictatures. Les démocraties sont mornes et ne font appel, par le vote dit populaire, qu’à de médiocres dirigeants. Il y aura des dominants en petit nombre et des dominés en plus grand nombre. Ceux qui ont le pouvoir veulent y étendre leur suprématie et suppriment carrément sans remord, leurs opposants. Le « discours de la servitude volontaire » de la Boétie (1576) démontre parfaitement que la servilité des peuples fait la force des tyrans.
L’acmé est comparable à la courbe en cloche du calcul des probabilités. Le maximum est atteint lorsque les écarts se réduisent au voisinage de zéro. Les grands écarts n’ont qu’une faible fréquence.
La sinusoïde est une bonne démonstration des pics et des creux, la compensation étant totale.
Voilà un monde dualiste qui refuse l’uniformité jugée sans intérêt. Tout est fluctuant. Il y a des hauts et des bas. La décadence suit la grandeur. Il y a un effet de compensation dans un terme plus ou moins long. Il est indéniable que tout oscille autour d’un équilibre jamais trouvé, une oscillation en entraînant toujours une autre. C’est le sel de la vie. Croyance et espérance donnent l’espoir que les évènements vont se dérouler d’une manière bénéfique. Mais il faut s’attendre à ce que cela soit démenti par les faits. C’est une éternelle balance autour de zéro, de rien, du repos. La constance est improductive. La seule attitude possible est de réduire ce balancement au minimum. C’est ce que préconise le « culte du peu » de la doctrine dualiste.