Affirmer c’est nier
Si l’on vous disait que la nature ne fait que se redire et se contredire, que nous-mêmes nous pourrions nous limiter à ne proférer que seulement deux sous gutturaux pour nous faire comprendre, communiquer et accumuler nos connaissances, à savoir : OUI et NON, vous pourriez qualifier cela d’imposture. Comment est-il possible de réduire le monde seulement à ces deux vocables ? Et pourtant c’est ainsi. Nous allons essayer de le démontrer.
Rappelons d’abord que l’ensemble affirmation-négation est tout à fait différent de la contiguïté de deux objets placés simplement côte à côte dont on va dire que leur nombre est de deux. Deux c’est aussi le couple qui a un statut tout à fait spécial et exceptionnel. Il est en effet composé de quelque chose et de son contraire, l’opposition se réalisant dans les deux directions opposées. Mais les deux éléments du couple sont indissociables. On ne peut les séparer. Seuls ils ne sont rien. L’un ne peut exister sans l’autre. Ils sont interdépendants. Il n’est pas possible d’en isoler un car n’ayant plus d’attache, la relativité est rompue. Il est constamment changeant, impermanent en perpétuelle bougeotte. Il est dans une recherche anxieuse du repos absolu qui ne se trouve que dans le milieu autrement dit « médiété » (pour ne pas confondre avec la notion d’environnement.) c’est la dichotomie, le partage, en deux partie égales et équiprobables. Ce milieu, comme la moyenne statistique dite espérance, est inaccessible. Pour y parvenir il faut en quelque sorte un jeu de miroirs parallèles qui renvoie perpétuellement un objet à son contraire ou son inverse et vice-versa. C’est la symétrie abyme qui est sans fin. L’être et le non-être se mirent l’un dans l’autre.
Une autre caractéristique du couple est que l’un est en conflit permanent avec l’autre, c’est une lutte fratricide sans merci où il n’y a ni vainqueur, ni vaincu. Il faut détruire ce qui a été construit par la complémentarité.
Le dualisme moderne n’est autre que la transposition dans notre monde de la doctrine chinoise du Tao, vieille de plusieurs millénaires.
Dans le symbole du Tao, deux virgules, sont enserrées à l’intérieur d’un cercle. Sur la partie blanche qui est le Yang il y a un petit rond noir comme un œil qui a son équivalent blanc dans la partie noire qui est le Yin. Cela signifie que le Yang et le Yin sont deux notions fusionnelles. Ils sont en superposition suivant le terme utilisé en mécanique quantique. C’est en la regardant que l’on sépare en une chose et son contraire.
Ceci est pour nous parfaitement incompréhensible. Notre cerveau ne sait que distinguer et pour lui l’amalgame est intraduisible en termes de réactions physico-chimiques. Le principe de non-contradiction d’Aristote qui veut qu’on ne peut avoir en même temps une chose et son contraire, est bafoué. Mais c’est tout à fait possible dans le monde microscopique. Comme nous sommes faits de particules subatomiques on comprend mal pourquoi cela ne se répercute pas dans notre monde. Ceci est du au grand nombre d’évènement microscopiques que nous percevons. Ils se superposent les uns les autres pour donner une apparence de quasi-continuité, de causalité. Sur l’indéterminisme fondamental du comportement des objets quantiques, transparait une illusion de déterminisme où tout semble s’enchaîner bout à bout et s’attenue par l’espace et le temps.
Ce rapide exposé montre bien que la notion de couple dualiste comme le Yang-Yin ou Oui-Non est tout à fait originale.
Voyons comment ces couples sont constitutifs de monde connu. Pour l’inconnu on ne peut évidemment rien en dire. C’est la non-existence opposable également à l’existence. Nous pouvons considérer que ce qui « est » possède deux parties : le concret et l’abstrait. On pourrait également dire le réel et le virtuel, le matériel et le spirituel. Nous avons en effet, en particulier nous les hommes, idéalisé, conceptualisé ce qui parvient par nos sens à nos cerveaux. La communication essentiellement par le langage permet de comparer les données reçues par chacun d’eux. Le cerveau lui-même est un comparateur car en mettant en relation ce qui est perçu et ce qui a été perçu procure la notion d’espace temps, l’énergie se manifestant par les phénomènes physico-chimiques qui sont enregistrés et stockés dans la mémoire.
Voilà ce qu’est le dualisme moderne, transposition de la doctrine ancienne du Tao.