Le culte du peu
« Il faut regarder la vie en farce »
Scutenaire
Pour la définition du culte du peu on peut se reporter sur ce site à celle du déroulant ainsi qu’au mot-clé « Maxwell » et à l’article « Sabina Spielrein ».
Tout cela peut donner une bonne idée de la notion du « culte du peu » et de son insertion entre les extrêmes.
Nous pouvons y ajouter les remarques suivantes :
Le monde est en expansion ce qui traduit le fait que le désordre l’emporte en moyenne sur l’ordre. La dispersion prévaut sur la réunion, l’épanchement sur la concentration, la haine sur l’amour, le malheur sur le bonheur. L’humanité n’échappe à cette règle sans être vraiment consciente de son inéluctabilité. Comme l’on dit : « l’homme est capable du pire comme du meilleur mais c’est dans le pire qu’il est le meilleur » ou « seul l’homme est capable de l’inhumain ».
Nous sommes de fait plongés dans une ère de dégradation, d’entropie. L’énergie en se transformant se détériore tout en se conservant.
La détente étale, refroidit et l’agitation thermique diminue en se diluant. Le point du big-bang d’énorme concentration de chaleur se répand par l’espace et le temps. C’est irréversible. Ceci obéit à un précepte fondamental qui est celui que tout veut retrouver le repos parfait dont il est issu. Mais il est vraisemblable que ceci ne peut être éternel. Il y a certainement un point de retour inverse. C’est cela qu’à l’image du monde il faut rechercher. La force d’expansion est toujours là mais elle peut être contrecarrée par une aspiration à être contrastée le moins possible. C’est dans cette position intermédiaire, milieu entre rien et tout, que réside l’atténuation des contraires. Cela se traduit par un creux où l’on oscille pacifiquement, tranquillement entre la concentration et la dilatation qui en sont les extrêmes. Cela fait penser à un hamac où l’on se balancerait paisiblement. C’est la position de la moindre action, du minimum d’effort, réduit, mais suffisant pour subsister. C’est le juste milieu, la médiété d’Aristote, le « happy medium », l’ataraxie ou quiétude que rien ne trouble, le détachement des choses qui fait que l’on ne craint plus rien. Tout ceci se déroule sans nuire à autrui. La pollution est dans ce cas la plus faible possible. Le paradis est sans doute là, à portée de main, plus accessible que celui que l’on nous promet.
C’est dans le culte du peu que la sérénité triomphe pour réduire le plus possible tous les tracas de l’existence sans pour autant supprimer le flambeau de la perpétuation de la vie qui nous a été confiée. La vie n’est qu’une farce dont nous sommes les acteurs involontaires. Autant la jouer sobrement.
Le dénuement complet, comme Diogène jetant son écuelle après avoir vu des enfants boire avec leurs mains, Bouddha allant jusqu’à renoncer à son propre soi, Gandhi avec son pagne et sa chèvre, apôtre de la non-violence et cependant mourant assassiné, est un extrême. Il est préférable de s’en tenir à la plus grande modération possible. Il suffit de réduire ses besoins à la nécessité de survivre et de rester lucide sur notre humaine condition d’être mortel.
Sur le déroulant du site il y a un article sur la moindre action. Si l’énergie peut se déployer éventuellement immodérément, il reste que la tendance de la nature est indéniablement de l’économiser le plus possible. Mais en allant plus loin, on peut dire que « h » la constante de Planck est l’unité monétaire. Toutes les dépenses d’énergie se résument à « nh » ( n représentant un nombre entier positif). Autrement dit il n’est pas possible d’avoir, par exemple, une dépense d’énergie de 0,15 h. Cet effort minimum est extrêmement faible, à la limite de la nullité. Ce qu’il faut cependant retenir de cela, c’est que la nature pratique « naturellement » le culte du peu.
Le peu est une façon de se rapprocher de la simplicité, du repos absolu, du néant, du rien dont nous sommes issus par le jeu des possibles, du nirvana bouddhiste qui est de rechercher l’extinction.
L’humanité n’a que la terre pour survivre, qu’elle s’empresse allègrement de détruire par la satisfaction excessive de se désirs. Réprimons-les pour avoir une petite chance de survie.
« Le bonheur est dans le pré
cours-y vite, cours-y vite
le bonheur est dans le pré
cours-y vite, il va filer. »
Paul Fort
Le bonheur est dans le peu
Dans notre univers, tout s’agite sans cesse ni repos, de la plus infime particule jusqu’aux galaxies. Ce mouvement perpétuel est la conséquence de la lutte entre deux forces cosmiques opposées, l’une comme la gravitation cherchant à réunir, à construire, à édifier des êtres et l’autre s’acharnant à détruire, séparer, écarteler tout ce que s’efforce de faire la première, que l’on peut appeler expansion. Ces forces sont complémentaires l’une de l’autre, l’une ne pouvant être sans l’autre, chacune s’efforçant de dominer l’autre sans jamais y parvenir vraiment. Cette action réciproque des deux forces s’insinue dans les moindres recoins du vide qui englobe le tout. L’ensemble de tous ces mouvements est l’énergie qui peut se concentrer en un seul point d’infime dimension ou se disperser dans un vide sans limites. Nous vivons une période où l’énergie se répand et se dissémine depuis presque 14 milliards d’années. Il y aura certainement une phase de densité critique où tout repartira dans l’autre sens vers le point de rebroussement ultime. On peut appeler cette perpétuelle alternance où il n’y aura jamais ni vainqueur, ni vaincu, palingénésie ou l’éternel retour.
En phase d’expansion à partir de l’extrême confinement primordial, l’énergie se répand en laissant des espaces libres, des degrés de liberté. En effet il n’y a pas expansion continue ce qui ôterait toute chance au hasard de se manifester, car ainsi il y aurait déterminisme et certitude du futur. Ce n’est pas le cas. L’action de l’expansion contrariée par la gravitation procure une densité fluctuante et pulsatoire. Ceci permet à la faute de se glisser dans les interstices, aux trous de vide d’être comblés aléatoirement, aux écarts de probabilités de se manifester autour d’une moyenne déterministe. Cela autorise les nombreuses possibilités d’évoluer et de créer des êtres différents et de plus en plus complexifiés donc plus fragiles et sensibles aux attaques de la force destructive. Cela justifie la mort de l’être et crée les ingrédients d’une naissance. Tout est ainsi ondulant entre les contraires comme l’amour et la haine, le bonheur et le malheur, le bien et le mal. Tous ces contraires se superposent, s’intriquent et s’enchevêtrent les uns dans les autres en recherchant le repos, le neutre, le juste milieu, la béatitude sans jamais les trouver.
L’addition de tout ce qui agit donne un résultat nul. La coexistence des forces du bien et du mal s’effectue sur un fond de nullité, de vacuité. L’absolu s’étire entre les oppositions qui n’ont qu’une envie c’est de s’y retrouver, sans jamais y parvenir permettant ainsi ce cycle évolutif qui est à proprement parler la vie, l’existence. On ne peut percevoir que des différences qui sont dues à l’entassement des contraires.
« Un aspect Yin, un aspect Yang, c’est là le Tao. » C’est ainsi, ni plus, ni moins.
Que faut-il faire pour ne pas être victime des forces du mal et succomber à leur implacable poussée ? Le dualisme préconise que, pour cela, il faut de la mesure dans l’exercice des forces du bien en les réduisant, évitant ainsi l’extrême exaltation. Pour être bien, il faut non seulement réduire les excès, mais aussi combler les manques de telle sorte de se trouver dans un état consistant à osciller autour de la moyenne qui serait le havre de paix, le juste milieu, le « happy medium ». Il faut se balancer dans le creux de la courbe qui serait une courbe en cloche inversée haut–bas. L’équilibre parfait n’est pas souhaitable, car cela enlèverait tout intérêt à l’existence qui exige toujours du nouveau, de l’inédit. L’existence est une chose qu’on ne peut nier. C’est le «dasein», l’être-là, incontestable. On ne peut dire « je n’existe pas ». On peut appeler cela le « culte du peu ». On est tous capables de vivre au ralenti, au voisinage de l’extinction (nirvâna).
Si toute l’humanité appliquait ce précepte, cela résoudrait le problème de sa survie bien compromis par des excès en tous genres.
Selon Lao-Tseu « content de peu n’a rien à craindre ». Il faut se glisser dans le courant qui nous emporte en évitant les remous. Détachement et modération sont les vertus cardinales du dualiste.
Le peu est lié à beaucoup. Les extrêmes, contraires et complémentaires, peuvent passer chacun par un maximum. Mais ils ont tendance à aller s’annihiler dans le juste milieu. C’est dans cette région que nous devons nous situer, au voisinage de l’extinction ou nirvâna des bouddhistes, le juste milieu, le néant, ce dernier restant inaccessible car autrement il ne serait pas le néant.
Tchouang Tseu nous dit : « étant détaché de tout, plus rien ne peut l’atteindre ».
Le bol ressemble à une courbe inversée.
Il y a certitude de voir la bille dans le fond, mais oscillant toujours, elle n’y parviendra jamais.
Plus la bille s’élève moins est probable sa position gauche ou droite jusqu’à probabilité presque nulle pour l’acmé droite ou gauche.
Il y a un maximum de probabilité que la bille soit oscillante sur le fond. Le culte du peu consiste à essayer d’éviter de la faire remonter d’un côté ou de l’autre.
« Toute musique est une méditation.
Etre zen c’est se vider de toute contingence extérieure »
Célibidache
« Content du peu n’a rien à craindre »
Lao Tseu
« Trop n’est pas assez pour moi »
Churchill
« L’excès en tout est un défaut »
« Pour vivre heureux, vivons cachés »
Florian Le Grillon
Trop tue
Se replier sur soi en réduisant ses désirs, se tenir au voisinage de l’extinction, éviter les excès en tous genres, pratiquer l’humilité, convenir que nous ne sommes qu’une infime poussière du cosmos, s’efforcer de mieux se connaître, étouffer les passions, sont des attitudes que beaucoup de religions et de philosophies préconisent. La doctrine du dualisme répond-elle à ces aspirations ?
Oui, pour la raison suivante : elle stipule que l’on ne peut connaître que par opposition. Pour chaque couple d’opposés, l’un peut être extrême par rapport à l’autre. Entre les deux il y a un déséquilibre. Un extrême a ses limites qu’on peut appeler acmé : « Les arbres ne s’élèvent pas jusqu’au ciel » a écrit Goethe. Ces positions excessives qu’elles soient hautes ou basses sont préjudiciables. Si l’on a une joie maximum on est par compensation sujet à des peines, des souffrances. Que faut-il faire ?
Il vaut mieux essayer de se tenir au milieu.
Dans nos civilisations on veut toujours mieux quelqu’en soit le coût. On n’hésite pas à s’endetter à l’excès. Le principe de précaution est constitutionnel. Mais à vouloir trop se protéger, on ne protège plus rien. La sagesse voudrait qu’on adapte son bien-être à ses moyens. Ce n’est pas le cas. C’est extrêmement dangereux. On confie le pouvoir à des élus qui ont comme seule préoccupation de ne pas mécontenter leurs électeurs. On se couvre de lois qui étant donné leur complexité ne peuvent être que calamiteuses. Tout est hyper-réglementé et administré par des gens qui étant donné leur grand nombre ont une responsabilité réduite et diluée. Une consommation excessive à des conséquences sur l’écologie. On pollue de plus en plus et irrémédiablement.
Se contenter de peu résoudrait beaucoup de problèmes notamment pour sa santé. Cette soif de jouissance a des aspects égoïstes. Il y a des laissés pour compte.
Les beaux discours ne cachent pas la misère. Le monde humain est tel que quelques riches écrasent une multitude de pauvres gens par leur puissance financière qui leur permet d’avoir la main sur tout et de tirer toutes les ficelles.
Il faut surtout insister sur la détérioration de la Terre qui est notre seul moyen de survivre. L’installation sur des exoplanètes lorsque notre vaisseau spatial sera complètement pourri est une totale chimère qu’entretiennent des gens avides de vendre du papier.
Si la recherche de la sagesse individuelle est indispensable il faudrait parvenir à une zenitude totale.
Le moins que l’on puisse dire est que l’humanité est loin d’en prendre le chemin. L’attrait du pouvoir, le goût effréné de l’argent, la jouissance sexuelle sont ses trois moteurs. Cela entraine la destruction car rien ne dure et ce qui est construit ne peut, qu’à la longue, s’écrouler pour revenir au repos d’où tout provient. Alors pour quelle raison lutter, se battre pour édifier un château, une fortune, un empire pour voir le tout s’effacer. Autant se mettre dans une situation oscillant autour du milieu et y rester. Aristote a décrit parfaitement cet état dans son Ethique à Nicomaque Livre II chap.6 nommé « Juste milieu » ou « Happy Medium » en anglais. Le mot « médiété » est plus explicite car il peut y avoir ambigüité avec l’environnement. Il s’agit de « lâcher prise ». C’est la paix intérieure qu’il faut rechercher. Démocrite a prôné le mot « ataraxie » que l’on peut traduire par la quiétude que rien ne trouble. D’autres écoles philosophiques y ont vu l’eudémonisme ou la recherche du bonheur. Pour les bouddhistes il faut s’approcher au plus près possible de la vacuité, du nirvana qui se traduit par extinction. Les mots appropriés pourraient être : sérénité, béatitude. Le détachement et la modération sont les vertus essentielles. Il faut renoncer aux plaisirs générateurs de peines mais pas à l’espérance qui permet de vivre en pensant qu’il est toujours possible qu’il y ait des jours meilleurs. Est-ce un rêve irréalisable ? La vie elle-même est un rêve éveillé. En avoir conscience nous éloigne de ce que nous pensons être réalité, ce qui nous oriente à risquer la recherche de la jouissance à tout prix. Si nous baignons dans l’illusion alors pourquoi s’ingénier à vouloir toujours plus si cela n’a pas de consistance véritable.
La nature nous donne l’exemple. Elle pratique le moindre effort. Elle cherche à dépenser le moins d’énergie possible. Bien sûr, elle a aussi ses excès comme une éruption volcanique ou un tremblement de terre mais le calme revient et tout s’apaise. Si elle n’a pas trouvé la situation d’équilibre, elle réduit à la longue les écarts. Le milieu parfait n’est pas accessible car une oscillation entraine toujours son inverse. C’est le monde dans lequel nous vivons.
Dans le cas où le repos absolu pourrait être atteint il n’y aurait tout simplement pas de vie. C’est ainsi, ni plus ni moins.
ATARAXIE
Quiétude que rien ne trouble