Néant

APOLOGIE DU NÉANT

On pourrait être en droit de se demander comment se fait-il que, comme le dit Hegel, sans la possibilité de contradiction il n’y aurait pas de monde, pas de vie ? Le bien ne peut s’apprécier sans le mal qui le met en valeur et vice-versa. La réponse est : c’est le néant qui en est responsable. Comment ?
Le néant c’est ce dont on ne peut rien dire. À partir du moment où l’on veut le signifier par un attribut quelconque, ça n’est plus le néant. Il est inaccessible. C’est un peu comme si, pour l’atteindre, on faisait toujours la moitié du chemin pour y parvenir. Il est hors de portée de nos moyens cognitifs. Le néant est diffus, insaisissable, inexprimable, indicible. Il est nulle part et ailleurs, insituable. On le recherche constamment sans jamais le trouver.
Tous les objets de ce monde binaire sont en perpétuelle agitation. Rien n’est stable sauf le néant où règne le repos absolu. C’est là, comme dirait Baudelaire, où tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. Toutes choses sont relatives à ce néant où elles voudraient se réfugier. Mais le néant les refoule pour conserver son statut et refuse d’en être pollué.
L’attraction du néant et la dispersion de tout ce qui voudrait s’y réfugier peuvent expliquer le yang et le yin des chinois. Par la médiété, les contraires peuvent coïncider et se superposer mais sans jamais accéder vraiment à ce « miracle d’une seule chose » selon la Table d’ émeraude de Hermès Trismégiste.
La phrase énigmatique du « guépard » qui peut se résumer à : « Pour que tout bouge, il faut que rien ne bouge » se justifie parfaitement.
Comme le précise Heisenberg, on ne peut rien distinguer si l’action est inférieure à ħ⁄2. C’est l’apeiron d’Anaximandre où malgré l’éternelle bougeotte, le néant reste hors d’atteinte. L’être « est » par la possibilité de « ne pas être ».

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