Le dualisme et la balance
L’utilisation comme symbole d’une balance en équilibre, sur la couverture a la signification suivante :
Tout est dans une recherche avide de cet état d’équilibre, car c’est le repos et le calme auxquels tout aspire. Mais il ne s’y passe rien. C’est le néant, le sans-vie, l’être-mort. Les contraires s’y annihilent. S’il n’y a rien de positif, il n’y a non plus rien de négatif. C’est sans intérêt et n’a qu’un effet attracteur, tout en étant répulseur pour préserver son statut d’inaction.
Le monde, par son expansion, tend vers cette position qui est l’éparpillement, l’éclatement, la désintégration, la séparation, une force de haine destructrice si l’on veut. Une force contraire, dite gravitation, s’y oppose, qui cherche à réunir, à grouper, à unir, une sorte d’amour liant.
Ces deux forces contradictoires sont en perpétuel conflit, mais elles ne peuvent se passer l’une de l’autre, l’une étant indispensable à l’autre. Elles se complètent tout en s’opposant. Dans leur éternelle confrontation, il n’y a jamais ni vainqueur, ni vaincu. Ceci est la conséquence de leur complémentarité. Elles forment le couple dualiste basique, insécable, qui n’a ni commencement, ni fin, a constamment été et sera toujours. C’est ainsi, ni plus ni moins.
Tous les événements dont nous avons connaissance ne sont que des aléas de la vie qui se traduisent par des oscillations du fléau, qui, lui, n’est jamais en repos. Il y a des écarts de toutes sortes dont la grande majorité est faible. Ils peuvent être plus importants, mais dans ce cas, beaucoup moins fréquents comme un tremblement de terre, une grave maladie, un divorce, enfin tout événement rompant brusquement la routine du quotidien.
Infatigablement, la nature redresse ces écarts, à la longue, par l’espace et le temps en recherchant une compensation jamais aboutie, qui se corrige constamment. L’arrêt sur image ou l’impression de durée n’est qu’une illusion. Tout remue sans arrêt. Rien ne dure et n’est définitif. La mort n’est qu’une brusque compensation de la naissance. Elle est, qu’on le veuille ou non, au bout du chemin de l’univers qui va inéluctablement vers la mort thermique.
Les petits écarts se répartissent en plus ou en moins, suivant la moitié haute de la courbe en cloche et se compensent ainsi approximativement pour donner un lissage en fournissant l’apparence d’une continuité statistique. Le bas de la courbe en cloche s’infléchit pour les grands écarts. Ceux-ci finissent aussi par s’efforcer de se compenser, mais dans des temps, quelquefois, très longs.
Ce qui paraît compliqué n’est qu’un écheveau de contradictions élémentaires simples comme « oui-non » ou le couple (0,1) de l’informatique. Le complexe doit être démêlé patiemment, sans aller jusqu’à l’inextricable. On est aidé par l’effet statistique du grand nombre, car il ne nous est pas possible de connaître tous les petits détails.
Le connu n’est ainsi qu’une superposition de cycles de toutes dimensions. Nous ne pouvons connaître que par opposition.
Quant à l’inconnu, on ne devrait normalement rien en dire. Chacun peut l’imaginer à sa guise, sans perdre de vue qu’il est, par essence, inexprimable. Comment se comporter dans ce monde si peu préhensible avec nos moyens, limités à la perception des opposés ? Le dualisme enseigne que pour éviter les extrêmes, il faut faire le gros dos, rentrer dans sa coquille, réduire son activité, se satisfaire de peu et laisser la petite flamme qui nous anime s’éteindre d’elle-même, quand le temps sera venu.
Il est certain que si l’humanité évoluait ainsi vers une diminution et une atténuation des différences, cela réglerait une très grande partie de nos problèmes. En réduisant ses besoins et ses désirs, on adoucirait les souffrances et les peines qui en sont la conséquence.
Malheureusement, il nous est difficile de nous délivrer des démons que sont la soif du pouvoir, le besoin de posséder et la pulsion de détruire.
La vie n’est qu’un continuel balancement entre la naissance et la mort. On naît et on meurt constamment. On n’est jamais le même. Le vieillard diffère de l’enfant qu’il a été. On voudrait revenir à l’état bienheureux d’embryon, mais l’expansion même contrecarrée par la gravitation, nous pousse impitoyablement vers le dernier soupir. Tout est éternelle contrariété entre cette poussée expansionniste vers la dissémination et l’irrépressible désir de s’unir pour mieux y résister.
Le monde est comme la tapisserie de Pénélope, faite le jour, défaite la nuit et jamais finie.